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Chronique

ملينا المعيشة هاديا
Mai.  
…les morts, les nôtres et les autres, ceux qui nous consolent des vivants. Les morts (paix à leur âme, pour ceux qui en étaient dotés), ces chers défunts, partis sans demander leur(s) reste(s), et qui se disaient « ملينا المعيشة هاديا ». Seraient-ils plus fréquentables que ceux encore de ce côté-ci de la frontière ? Les absents (qui peuvent par ailleurs s’avérer très présents) ne sont plus en mesure de nous décevoir (en sommes-nous bien sûrs ?), au contraire des vivants (le sont-ils vraiment ?) qui eux nous promènent, avec constance et régularité, de déception en déception. Avançons alors, me dis-je, tel l’Empereur Qin, avec pompe et élégance, entouré de sa propre armée fantôme, une procession faste d’acteurs, d’actrices aussi, d’écrivains de la désolation, déplorateurs des fins du monde, de chanteurs de chansons d’amour(s), de tourment(s) et de désespoir(s), une armée d’ombres, de chagrins et de silences, avec, quand même, ici et là quelques rires, une armée en noir et blanc, même pas sépia, un noir et blanc bien expressionniste, et la musique de Chopin pour accompagner. Ça vous aurait de la gueule, non ?
- Sais-tu qu’il y a un rapport de force asymétrique entre les morts et les vivants ?
- ?
- Les premiers sont de loin plus nombreux que les seconds !
- !
- Et là où ils sont, ces innombrables, ils sont invincibles. Rien ne les atteint plus, désormais.
- ...
- Et ils se servent de nous autres comme d’une résidence secondaire, une villégiature, un château qu’ils viendraient, sur leur temps libre (et ils en ont), hanter.
- Des Bernard-l’Hermite, quoi.
- Des paguroideas, tu veux dire.
- Sans doute.
- Bref, ils nous habitent, ces locataires sans bail, et ils s’accrochent…
- Comme des moules à un rocher ?
- Des mytilidas, tu veux dire.
- Sans doute.
- Bref, ils s’accrochent comme un morpion à une toison.
- D’or ?
- Pas sûr, à moins d’être blond(e), ou Chrysomallos, et encore. Quant à s’en défaire de cette chienlit, autant essayer de retrouver une épée dorée. Pas impossible mais pas gagné.…
- Comme de trouver un sens à ce moment particulier, le premier acte, l’origine du monde, le jour où j’ai rencontré ma mère (et plus tard le paternel border line), ce jour Cesaria Evora était pieds nus et Antoinette dans les Cévennes. Dans le même temps, Laroy, un jeune chaman, une espèce de Kung-Fu Panda des steppes, disputait à Frida, Ithaka, Averroès & Rosa Parks les 4 âmes du coyote. Laissons ayahuasca et psilocybine produire leur effet. Fringants comme un lundi, les vieux de Greenhouse, lupanar fameux, eux, écoutaient un Fedayin « Où sont-elles toutes les couleurs du monde, notre monde ? ». Indifférent à cela comme à tout, le voyeur (Dieu ?), comme l’homme aux mille visages (Dieu ?), cueillait, dans le deuxième acte, la fleur de Buriti. Et la foudre. Is it a riddle of fire ? Pour y répondre, on pourrait s’aider de prières, d’incantations, de la machine à écrire et autres sources de tracas (Dieu ?).  
- Je crains de ne pas toujours te comprendre.
- Tu me l’as déjà dit mais, tu sais, moi aussi, j’ai des fois cette impression, comme dans l’Exorciste (William Friedkin, 1973), de parler des langues de moi inconnues, un sabir de grec ancien, chinois, araméen, hébreu et arabe aussi. Xénoglossie, ça s’appelle. A l’occasion je m’essaierais bien à la glossolalie.
- Au passage, il te manque Non Non dans l’espace.
- Oui oui, c’est vrai et Albert Camus également : "Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été". 

                        M.

 PS : ceux qui ne sont pas encore passés ad patres constateront que certains films seront morts à nos yeux avant que d’y avoir vécu ainsi : Le monde est à eux, Apolonia Apolonia, O Corno une histoire de femmes, L’affaire Abel Trem, L’antilope d’or, la renarde et le lièvre, La flamme verte, Il pleut dans la maison, Le vieil homme et l’enfant, Quitter la nuit, Sans cœur, Enys men, Amal un esprit libre, Resilient man… Encore et encore des rencontres qui ne se feront pas. Nous aurions aimé les proposer mais la place nous fait encore et toujours cruellement défaut. Avec un écran unique (dans tous les sens du terme), on peut accomplir des prodiges mais pas de miracles…  
Hé, vous avez sous les yeux le n°300 (quand même !) du Travelling, ce n’est plus un travelling mais un plan séquence… Eadem, sed aliter.

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